Le vinyle est, par définition, l’objet de la conservation. C’est le support physique que l’on garde, que l’on collectionne et qui traverse les décennies sans prendre une ride.
Mais pour marquer les esprits en cette fin d’année 2025, déclarée Année Internationale pour la Préservation des Glaciers par l’UNESCO, il fallait casser les codes de la pérennité. L’association 1% for the Planet France a pris le problème à bras-le-corps en proposant une expérience sonore aussi poétique que tragique : un disque qui disparaît au fur et à mesure qu’on l’écoute.
Une prouesse technique au service de l’émotion
Imaginée avec l’agence créative m_nstr_, cette campagne baptisée « The Voice of the Glaciers » repose sur une idée simple mais techniquement complexe : presser un disque non pas en PVC, mais en glace véritable. Pour réaliser cette œuvre éphémère, l’organisation a fait appel à l’artiste et producteur Mosimann.
Le processus créatif a débuté loin des studios parisiens, directement sur la Mer de Glace, dans les Alpes françaises. L’objectif n’était pas de composer une mélodie artificielle, mais de capturer la réalité brute de la montagne. Le vinyle contient les sons réels du glacier : ses craquements profonds, ses gémissements sous la pression et, plus inquiétant, le bruit des gouttes d’eau qui tombent. C’est une bande-son documentaire qui devient une œuvre d’art liquide.
La force du concept réside dans sa lecture. Une fois posé sur la platine, le disque de glace commence inévitablement à fondre sous l’effet de la température ambiante et de la friction du diamant. La qualité sonore se dégrade, l’eau coule, et l’objet finit par disparaître, ne laissant qu’une flaque.
C’est une métaphore visuelle et sonore implacable de ce qui se joue actuellement à l’échelle planétaire. Comme le résume très bien Mosimann : « Protéger un glacier signifie préserver ce qui reste fragile et pur dans ce monde ».

« Je suis la Mer de Glace » : donner la parole au silence
Au-delà de l’aspect visuel saisissant, le contenu audio a été travaillé pour personnifier ces géants de glace. Dans le récit sonore gravé dans l’eau gelée, on peut entendre une voix déclarer : « Je suis la Mer de Glace… Je suis la voix des glaciers… Ma voix a été créée avec ce qui reste de mon corps pour défendre ceux de mon espèce ».
Cette personnification est cruciale. Elle transforme une statistique environnementale froide en un appel à l’aide vivant. En écoutant ce disque, on ne consomme pas de la musique, on assiste à l’agonie d’un écosystème vital. Le choix de la Mer de Glace n’est pas anodin : c’est l’un des glaciers les plus surveillés et les plus emblématiques de la fonte accélérée en Europe.
LIRE AUSSI : Une campagne choc pour aider les para-athlètes à trouver des sponsors
Le projet arrive à un moment charnière. Les chiffres sont là et ils font froid dans le dos : les glaciers stockent actuellement 75% de l’eau douce mondiale. Ils sont le château d’eau de l’humanité, essentiels à la survie de près de 1,9 milliard de personnes.
Pourtant, leur disparition pourrait atteindre 52% d’ici 2100 si rien ne change. Ce vinyle qui fond en quelques minutes nous rappelle que le temps géologique, accéléré par l’activité humaine, est en train de rattraper notre temps réel.

Transformer l’écoute en action concrète
L’esthétique et l’émotion ne sont que des vecteurs pour un objectif bien plus pragmatique. Isabelle Susini, Directrice de 1% for the Planet France, rappelle que l’heure n’est plus seulement au constat, mais à la mobilisation financière et scientifique. « C’est le moment de nous unir et d’agir pour protéger ces écosystèmes, qui sont en grave danger », alerte-t-elle.
Cette campagne marque le lancement d’une vaste opération de collecte de fonds baptisée « 1% for the Glaciers ». L’objectif est de réunir 100.000 euros pour soutenir une coalition de six ONG spécialisées : Protect Our Winters, France Nature Environnement, Marge Sauvage, L’École des Pôles, Mountain Wilderness et Mountain Riders.
Ces fonds serviront à étudier les nouveaux environnements révélés par le recul des glaces, à protéger ces zones sensibles et à éduquer les jeunes générations. Avec cette opération, 1% for the Planet réussit le tour de force de rendre tangible l’invisible.
En regardant ce disque fondre, on comprend que ce n’est pas juste de l’eau qui s’écoule, mais notre avenir énergétique, agricole et écologique. Une campagne brillante qui prouve que le marketing peut parfois servir à sauver ce qui ne s’achète pas.
LIRE AUSSI : Médecins du Monde nous prouve que la solidarité est un sport de combat







