On connaît tous cette angoisse. Vous êtes en voiture, pressé ou simplement affamé, et soudain, les barrières rouges clignotent. Le passage à niveau se ferme. Vous savez que vous en avez pour un moment, à regarder défiler des wagons rouillés interminables.
C’est précisément ce moment de frustration, où la patience s’effrite et où la faim commence à nous rendre irritables, que Snickers a décidé d’exploiter. En Australie, la célèbre barre chocolatée vient de transformer ce temps mort subi en une opportunité média géniale, prouvant une fois de plus que le contexte est roi en publicité.
Quand l’attente devient un média tactique
L’idée part d’un constat local effrayant mais bien réel. L’Australie compte plus de 23.000 passages à niveau. Dans l’ouest du pays (Western Australia), les temps d’attente battent des records mondiaux. À Perth, le passage de Wharf Street peut rester fermé jusqu’à 7 heures par jour cumulées. Pour les automobilistes, cela représente des jours entiers de vie perdus à fixer le vide derrière un volant.
L’agence T&P Australia a flairé le filon : ces conducteurs bloqués sont une audience captive parfaite. Ils ne peuvent pas zapper, ils ne peuvent pas scroller (en théorie), ils sont obligés de regarder ce qui passe devant eux. C’est là que la magie de la plateforme de marque « T’es pas toi quand t’as faim » opère. Plutôt que de subir l’attente, Snickers a décidé de l’habiller. En novembre dernier, la marque a réimaginé un train de marchandises de 50 wagons pour en faire un panneau d’affichage mobile spectaculaire.

Un train qui parle à votre estomac
L’exécution créative est à la hauteur de l’ambition stratégique. Il ne s’agissait pas simplement de coller un logo sur une locomotive. L’équipe a intégré des messages contextuels géants sur quatre conteneurs maritimes, transformant le convoi en une bande dessinée vivante qui défile à toute vitesse (ou pas).
Les messages sont simples, drôles et tapent juste : « Impatient », « Hangry » (ce mélange de faim et de colère), ou encore le très australien « Long Train Ay » (C’est long ce train, hein ?). Le clou du spectacle reste le message « Should’ve packed a Snickers » (Vous auriez dû prendre un Snickers). C’est brillant car cela transforme une frustration passive en une connivence humoristique.
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Comme l’explique Richard Weisinger, responsable de la marque chez Mars Wrigley Australia, l’objectif n’est pas de faire aller le train plus vite, mais de rendre l’attente « plus courte et plus douce ». C’est un exemple parfait de brand utility émotionnelle : on ne résout pas le problème logistique, mais on soulage la douleur psychologique par le rire.

Une prouesse logistique pour un impact maximal
Au-delà du concept, la mise en œuvre de cette campagne relève du tour de force. Tournée et activée sur une fenêtre de tir de seulement six heures avec trois équipes de tournage mobiles, l’opération a nécessité une coordination millimétrée pour capturer le passage de ce monstre d’acier.
Ce qui est fascinant ici, c’est la réinvention du OOH (Out Of Home). À une époque où les marques se battent pour des millisecondes d’attention sur TikTok, Snickers fait le pari de la lenteur et du gigantisme dans le monde physique. Boris Garelja, directeur de la création chez T&P Australia, espère que cette « pub sur rails » incitera les conducteurs à garder leur calme et, surtout, à stocker quelques barres chocolatées dans la boîte à gants pour la prochaine fois.
En transformant un problème structurel australien en un support de communication propriétaire, Snickers réussit le pari de s’incruster dans la vie réelle des gens sans être intrusif, mais en étant inévitable. C’est malin, c’est drôle, et ça donne presque envie de se retrouver coincé derrière une barrière. Presque.
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