La période des vœux de fin d’année dans le monde de la publicité est souvent un exercice de style périlleux. Entre l’auto-congratulation maladroite et la carte virtuelle kitch, il est difficile de sortir du lot. Mais pour Publicis Groupe, l’exercice 2026 n’a rien d’anodin.
Il ne s’agit pas seulement de célébrer une nouvelle année, mais de marquer l’entrée dans un nouveau siècle. Fondée en 1926, la petite agence de Montmartre souffle sa centième bougie avec le statut de leader mondial de la communication. Pour l’occasion, le groupe a décidé de regarder dans le rétroviseur, non pas avec nostalgie, mais avec une prouesse technologique qui résume parfaitement sa mutation.
Le Lion qui a traversé les flammes et l’histoire
C’est une histoire que les passionnés de publicité connaissent, mais qui prend ici une dimension épique. Le film des vœux, sobrement baptisé « Un lion n’abandonne jamais », retrace l’incroyable épopée de l’entreprise fondée par Marcel Bleustein-Blanchet.
Ce n’est pas un long fleuve tranquille qui est dépeint, mais une succession d’épreuves surmontées : la guerre, le terrible incendie du drugstore (au sens propre, le groupe a dû renaître de ses cendres), les crises économiques à répétition et, plus récemment, une pandémie mondiale qui a paralysé l’économie.
Ce storytelling de la « résilience » est au cœur de l’ADN de la marque. Arthur Sadoun, l’actuel Président-Directeur Général, le souligne : c’est cette capacité à se réinventer qui a permis à Publicis de survivre et de prospérer là où d’autres géants ont disparu.
Le symbole du lion n’est plus seulement un logo, il devient le fil rouge narratif d’une entreprise qui refuse de mourir. Pour porter ce message, c’est l’agence mère, Publicis Conseil, qui a été chargée de la réalisation, bouclant ainsi la boucle symbolique entre les origines et le futur.
Quand les archives rencontrent les algorithmes
Là où la campagne devient fascinante pour les professionnels du secteur, c’est dans sa réalisation technique. Comment illustrer 100 ans d’histoire quand les archives vidéo sont incomplètes ou inexistantes pour certaines périodes ? La réponse tient en deux lettres qui dominent toutes les conversations depuis deux ans : IA.
Le film est un hybride audacieux. Environ 25% des images sont des prises de vues traditionnelles, tandis que les 75% restants ont été générés par l’intelligence artificielle. Les équipes créatives et les « prompt artists » ont dû sourcer et traiter un volume colossal de 4500 images d’archives pour nourrir la machine. L’IA a permis de combler les trous de mémoire, de reconstituer des scènes disparues et de donner du mouvement à des souvenirs figés.
LIRE AUSSI : Arthur Sadoun affirme que 73% de l’opérationnel de Publicis est désormais « alimenté par l’IA »
Cette méthode a également bouleversé le processus de production habituel. Contrairement à un montage classique où les images tournées sont définitives, ici, chaque plan restait modifiable jusqu’au dernier jour. C’est une flexibilité créative inédite qui préfigure sans doute la manière dont nous produirons les films publicitaires dans la prochaine décennie.
2026 : Le début d’une ère technologique
Au-delà de l’émotion et de la prouesse visuelle, ces vœux sont une déclaration d’intention stratégique. En mêlant l’histoire humaine et la puissance de calcul, Publicis Groupe affirme sa position : celle d’un leader qui a réussi sa transition vers la data et la tech. Comme le précise Arthur Sadoun, ce projet est la preuve que « le futur de l’IA dépendra d’abord de nos talents ». L’outil n’est rien sans la vision des créatifs.
Pour ceux qui voudraient aller plus loin que le spot publicitaire, un documentaire inédit accompagne la campagne, faisant intervenir des figures tutélaires comme Élisabeth Badinter et Maurice Lévy. On y comprend que si la technologie change, l’esprit pionnier de 1926 reste intact. En entrant dans son second siècle d’existence, le groupe ne se contente pas de fêter son anniversaire, il pose les jalons de son avenir. Et visiblement, ce futur sera hybride ou ne sera pas.
LIRE AUSSI : Le réseau DDB disparaît officiellement et devient BBDO Paris en France
