L’image d’Épinal de l’avis de recherche, c’est ce visage placardé en noir et blanc avec la mention « WANTED » en grosses lettres capitales. C’est un classique de la culture populaire, du western aux mangas.
Mais comment fait-on pour afficher le visage d’un criminel que personne n’a jamais vu, et dont la seule arme est un téléphone ? C’est le défi complexe auquel fait face la Corée du Sud, confrontée à une explosion sans précédent des arnaques téléphoniques. Pour riposter, l’agence Cheil a imaginé une campagne fascinante qui donne une forme visuelle à l’invisible.
La voix, nouvelle empreinte digitale du crime
Le constat est alarmant. En 2025, le montant des pertes liées aux arnaques téléphoniques en Corée du Sud a dépassé la barre symbolique du billion de wons (environ 680 millions de dollars). En seulement un an, les préjudices ont quasiment doublé. Les escrocs affinent leurs scénarios, changent de numéros, modifient leurs méthodes, mais il y a une chose qu’ils ne peuvent pas changer facilement : leur voix.
C’est sur cet insight que l’agence Cheil et l’Agence Nationale de la Police Coréenne ont bâti leur stratégie. Tout comme une empreinte digitale est unique, chaque individu possède une empreinte vocale distincte. Même si l’arnaqueur change de discours, la signature sonore de ses cordes vocales reste la même.
L’idée de la campagne VOICE WANTED est donc de traiter la voix non plus comme un simple son, mais comme une preuve biométrique irréfutable. Pour arrêter ces fantômes du réseau téléphonique, il fallait d’abord réussir à les matérialiser aux yeux du grand public.
Un visage dessiné par des ondes sonores
La pièce maîtresse de cette opération est une série d’affiches d’un nouveau genre. L’agence a utilisé de véritables enregistrements d’arnaqueurs pour extraire les graphiques de leurs ondes sonores. En jouant avec ces données, ils ont reconstitué des portraits-robots virtuels. Ce ne sont pas des visages humains classiques, mais des silhouettes formées par la fréquence et l’intensité de la voix du criminel. Le rendu est à la fois esthétique et inquiétant.
Ces affiches, imprimées à 14 000 exemplaires, ont été disséminées stratégiquement partout où le danger rôde : commissariats, bureaux administratifs, banques et distributeurs automatiques. Mais l’affiche n’est qu’une porte d’entrée. En scannant le QR code présent sur le visuel, les passants peuvent écouter les voix réelles des escrocs.
LIRE AUSSI : KFC encourage ses clients à commettre une évasion fiscale
C’est une démarche pédagogique puissante : entendre les techniques de manipulation actuelles permet de mieux les repérer si son propre téléphone se met à sonner. L’objectif est de transformer chaque citoyen en témoin auditif potentiel capable de signaler une tentative d’escroquerie.
Traquer les réseaux grâce à la data citoyenne
Au-delà de l’aspect créatif, c’est une véritable machine de guerre technologique qui se met en place. Le but ultime de VOICE WANTED est de nourrir une intelligence artificielle. Plus la police récolte d’échantillons de voix signalés par la population, plus son modèle d’analyse vocale devient performant.
Cette base de données permet ensuite de comparer les nouveaux signalements avec les fichiers criminels existants pour identifier les suspects et procéder à des arrestations. L’information remonte même jusqu’aux opérateurs télécoms pour envoyer des alertes en temps réel.
Comme l’explique Yoo Jae-sung, commissaire de l’Agence Nationale de la Police, l’ambition est de briser les frontières entre le secteur public et les citoyens pour démanteler des syndicats du crime entiers, et pas seulement arrêter des individus isolés. En transformant la voix en avis de recherche, Cheil prouve que la créativité peut être une arme redoutable au service de la sécurité publique.
LIRE AUSSI : PETA lance des pulls de Noël qui mettent en scène des animaux morts
