Depuis 1988, trois petits mots ont façonné l’histoire de la publicité sportive : Just Do It. Plus qu’un slogan, c’est devenu une philosophie, un cri de ralliement, une punchline universelle.
Mais en 2025, Nike décide de revisiter son mantra iconique avec une question existentielle : “Why Do It?”. Un virage stratégique qui illustre à la fois la volonté de la marque de renouer avec les jeunes athlètes et de redonner du souffle à son image.
La campagne, signée Wieden+Kennedy Portland, s’ouvre sur un film narré par Tyler, the Creator, et réunit des figures sportives comme LeBron James, Caitlin Clark ou Carlos Alcaraz. Mais loin de montrer des podiums ou des victoires, le spot s’attarde sur le moment le plus fragile : celui où l’on choisit d’essayer.
Donner une voix aux doutes d’une génération
Nike ne cache pas son intention : s’adresser à une jeunesse marquée par l’anxiété, la comparaison permanente et la peur de l’échec. Comme l’explique Nicole Graham, CMO de la marque, “c’est une véritable cocotte-minute où la peur de rater empêche parfois même de commencer”.
Avec “Why Do It?”, Nike choisit donc de mettre en scène le doute plutôt que la perfection. Le film montre des sportifs au moment où tout se joue : une frappe de balle, un plongeon, un départ. Chaque geste est accompagné de cette interrogation intime « pourquoi le faire ? » avant que la réponse s’impose : parce que commencer est déjà une victoire.
Cette approche marque une rupture intéressante : alors que le marketing sportif glorifie souvent la réussite finale, Nike parie sur l’idée que l’acte d’essayer a aujourd’hui plus de valeur symbolique que la médaille.
Un héritage réinventé pour rester dans la course
Depuis le premier spot avec l’octogénaire Walt Stack en 1988 jusqu’au “Dream Crazy” avec Colin Kaepernick en 2018, Just Do It a toujours évolué avec la culture. Chaque époque a eu sa version du message : démocratisation du sport, égalité des genres, combat pour la justice sociale.
Aujourd’hui, Nike doit faire face à un autre défi : celui de la pertinence. Entre des ventes en recul (46,3 milliards de dollars en 2025, soit -10 % en un an), la montée en puissance de challengers comme On ou Hoka, et une Gen Z plus attirée par l’authenticité que par les icônes intouchables, le swoosh avait besoin d’un reset.
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Le retour d’Elliott Hill à la tête de l’entreprise et de Nicole Graham au marketing a marqué un tournant stratégique : recentrer Nike sur la performance et les communautés sportives, plutôt que sur le lifestyle pur. “Why Do It?” s’inscrit clairement dans ce plan, en réaffirmant que Nike n’est pas qu’une marque de sneakers, mais une marque de dépassement.
Pourquoi cette campagne tombe au bon moment
La question “Why Do It?” résonne fortement dans un contexte où la santé mentale est devenue centrale dans le sport comme dans la société. Les récits d’athlètes comme Simone Biles ou Naomi Osaka, qui ont publiquement parlé de leur anxiété, ont changé la perception de la performance. Nike capte ce changement culturel et s’y aligne avec un message plus vulnérable, mais toujours mobilisateur.
En choisissant de transformer la peur en moteur, la marque s’offre un storytelling plus proche de la réalité des jeunes, où les réseaux sociaux amplifient la peur du jugement. Et paradoxalement, c’est ce qui redonne de la puissance au vieux mantra : Just Do It reste le fondement, mais il fallait lui redonner du sens pour une génération en quête de réponses.
Avec “Why Do It?”, Nike ne renonce pas à son héritage, mais l’actualise avec justesse. La campagne rappelle que le sport n’est pas seulement une affaire de victoires et de records, mais d’instants décisifs où l’on choisit d’oser. Et c’est peut-être là le vrai secret de longévité d’un slogan vieux de près de quarante ans : savoir se réinventer sans jamais trahir son essence.
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