Les écrans publicitaires de décembre sont habituellement saturés de paillettes, de dindes dorées et de réunions de famille idéalisées. C’est une surenchère de bonheur manufacturé qui nous ferait presque oublier ce qui se passe de l’autre côté de la vitrine.
Pour casser cette ambiance feutrée et nous ramener brutalement sur terre, la Fondation pour le Logement des Défavorisés (anciennement Fondation Abbé Pierre) a décidé de frapper fort. Accompagnée par l’agence Rosa Paris, elle lance aujourd’hui une campagne qui détourne l’icône ultime des fêtes pour mettre en lumière une réalité que l’on préfère souvent ignorer.
Un conte de Noël sans « happy end »
L’idée créative est audacieuse car elle s’approprie les codes visuels des grandes marques. On retrouve les lumières de la ville, l’effervescence des courses de dernière minute et cette atmosphère électrique de fin d’année. Sauf qu’ici, la caméra ne s’attarde pas sur des enfants émerveillés, mais sur un Père Noël en perdition. Ce n’est pas celui des publicités Coca-Cola. Son costume est trempé, lourd, sali par la boue et l’usure.
Ce personnage, d’ordinaire symbole de générosité et d’abondance, devient ici l’allégorie de la précarité. Pour la première fois, la Fondation pour le Logement des Défavorisés utilise une figure aussi populaire pour parler des 300 000 personnes sans domicile. Le contraste est saisissant : tout le monde aime l’idée du Père Noël, mais personne ne calcule cet homme qui tente de se réchauffer dans un coin de rue.
Les passants le bousculent, l’ignorent, le fuient. En transformant un SDF en Père Noël, l’agence rend visible l’invisible. Le malaise que l’on ressent en visionnant le spot est volontaire : il sert à briser notre indifférence polie.

Une réalisation cinéma viscérale et brutale
Pour donner vie à ce script sans tomber dans le pathos facile, il fallait une écriture visuelle forte. La production a été confiée à Wanda, avec une équipe artistique de haut vol. À la réalisation, on retrouve Lola Quivoron, connue pour son film Rodéo, qui apporte sa patte brute et son regard sans concession sur les marges de la société. Elle est épaulée à l’image par Paul Guilhaume, qui a brillé plus tôt cette année en remportant le César 2025 de la meilleure photographie pour Emilia Perez.
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Le duo livre un film au « réalisme viscéral ». Il n’y a pas d’artifice, pas de filtre magique. On ressent le froid, l’humidité et la violence sonore de la rue. La caméra colle au personnage, nous faisant subir avec lui la tension permanente de la vie dehors.
C’est dur, c’est cru, et c’est exactement ce qu’il fallait pour nous rappeler que la rue ne fait pas de trêve pendant les fêtes. La scène où le protagoniste longe des vitrines qui semblent lui tourner le dos est d’une symbolique terrible : la société de consommation célèbre l’abondance à quelques centimètres de la misère absolue.

Une urgence qui ne s’arrête pas au 25 décembre
Visible dès ce 17 décembre en télévision, au cinéma et en VOL, cette campagne arrive à un moment charnière. Alors que nous sommes tous focalisés sur les préparatifs du réveillon, la Fondation nous rappelle que l’hiver est une période de survie. En adoptant les standards de production des grandes campagnes commerciales, l’association s’assure que son message ne sera pas noyé dans le flot publicitaire.
Ce film n’est pas là pour nous faire culpabiliser d’aimer Noël, mais pour nous encourager à agir. Derrière le costume abîmé de ce Père Noël d’un soir, il y a des vies en danger réel. La Fondation pour le Logement des Défavorisés continue son combat quotidien pour l’accès à un habitat décent, et cette prise de parole prouve qu’elle n’a rien perdu de sa combativité. L’imaginaire magique s’effondre peut-être en 30 secondes, mais c’est pour mieux éveiller nos consciences.
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