On s’attend souvent à ce que Pantone nous en mette plein la vue. Après des années vibrantes ou chaleureuses, on imaginait déjà une teinte électrique pour secouer le cocotier numérique.
Mais c’est mal connaître les analystes du Pantone Color Institute. Dans un monde saturé de notifications, de bruits de fond et de sollicitations permanentes, l’autorité mondiale de la couleur a décidé de faire l’inverse de tout le monde : baisser le volume. Pour 2026, il ne faudra pas chercher la saturation, mais la disparition (ou presque). Accueillez Cloud Dancer, un blanc spectral qui sonne comme une invitation radicale au silence.
Un murmure visuel dans un monde qui hurle
C’est le 27ème « Color of the Year » depuis le lancement de cette tradition en 1999, et c’est sans doute l’un des plus philosophiques. Référencé sous le code Pantone 11-4201, Cloud Dancer se définit comme un blanc ondulant, une teinte neutre qui évoque la clarté et la sérénité. L’objectif affiché par la marque est presque thérapeutique : offrir une « influence apaisante » à une société qui court après le temps.

Selon Leatrice Eiseman, la directrice exécutive de l’institut, ce choix n’est pas esthétique, il est sociétal. Ce blanc discret agit comme une « promesse de clarté ». Là où les couleurs précédentes cherchaient à dynamiser ou réconforter par la matière, Cloud Dancer veut libérer l’esprit. C’est la couleur du « reset », de la page blanche au sens propre comme au figuré. L’idée est de favoriser la « réflexion silencieuse » et de permettre à la créativité de respirer, loin des distractions. En marketing, c’est un message fort : le luxe de demain, ce n’est plus d’avoir, c’est d’être. Et surtout, d’être au calme.

Du smartphone à la pâte à modeler : le blanc envahit tout
Comme chaque année, Pantone ne se contente pas de sortir un nuancier, mais orchestre un véritable plan d’attaque marketing pour imposer sa vision. Pour que Cloud Dancer ne reste pas un concept abstrait, la marque a noué des partenariats stratégiques qui couvrent tous les aspects de la vie quotidienne. On retrouvera cette teinte sur des objets aussi variés que le Motorola Edge 70, dans les célèbres blocs de Post-it (pour des notes plus zen ?) ou encore chez Play-Doh.

L’art n’est pas en reste. Pour incarner cette volonté de « toile vierge » offerte aux créateurs, Pantone a collaboré avec l’illustrateur Emiliano Ponzi. Il a imaginé un tote bag en édition limitée qui traduit visuellement cette profondeur conceptuelle. C’est là toute la force de la machine Pantone : réussir à transformer une couleur « non-couleur » en un produit dérivé désirable.
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Pour les designers et les marques, l’institut propose d’ailleurs sept palettes d’inspiration (allant du « Pastel » au « Tropical » en passant par « Lumière et Ombre »). Cela prouve que ce blanc n’est pas une fin en soi, mais un liant, capable de s’adapter à l’industrie de la mode, de la beauté ou de la décoration d’intérieur qui, soyons honnêtes, s’emparera de ce minimalisme avec joie pour vendre de la « pureté ».

Après le chocolat, la page blanche
Il est intéressant d’observer la trajectoire narrative construite par l’entreprise ces dernières années. En 2025, nous avions eu droit au Mocha Mousse, un marron gourmand qui misait sur le réconfort sensoriel du café et du cacao. Avec Cloud Dancer, on change drastiquement d’ambiance, mais pas d’objectif. Le marron nous câlinait, le blanc nous nettoie l’esprit.
Ce choix s’inscrit dans la lignée des précédents lauréats comme Viva Magenta ou Peach Fuzz, mais marque une rupture dans l’intensité. Pantone semble nous dire que l’expérimentation et l’innovation (valeurs prônées par ce nouveau blanc) ne peuvent naître que si l’on fait d’abord le vide.
C’est un pari audacieux. Choisir un blanc neutre comme étendard pour 2026, c’est prendre le risque d’être qualifié d’ennuyeux. Mais c’est aussi capter l’air du temps : une envie globale de ralentir, de simplifier et de revenir à l’essentiel. Reste à voir si les consommateurs seront prêts à adopter ce « Cloud Dancer » dans leurs intérieurs, ou s’ils le trouveront, au final, un peu trop pâle pour une époque qui a tant besoin de couleurs.
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